Les pleureuses : un métier ancestral
Chacun voudrait avoir des funérailles qui sortent de l’ordinaire. Vouloir que l’on se souvienne de nous est quelque chose d’humain. Tout comme il est naturel de vouloir des funérailles dignes de ce nom pour un être aimé. Depuis les temps ancestraux, il existe des personnes qui peuvent rendre des funérailles totalement hors du commun. Il s’agit des pleureuses. Généralement féminines, ces professionnelles sont engagées par les familles endeuillées pour feindre le chagrin lors de funérailles. L’objectif étant de rendre un hommage plus important au défunt.
Si dans quelques régions du monde, le métier de pleureuses existe encore, cette profession s’est peu à peu éteinte mais il y a plusieurs siècles, la majorité des funérailles ne pouvaient pas se faire sans pleureuses.
Les pleureuses dans l’Antiquité et au Moyen-Âge
En Egypte Antique : Aux origines des pleureuses
C’est certainement à l’époque de l’Egypte Antique, soit de nombreux siècles avant notre ère, que le métier de pleureuse est apparu pour la première fois. Généralement appelées pour les funérailles royales, les pleureuses rythmaient le transport de la dépouille du défunt.
Elles émettaient des cris et scandaient des versets. De nombreuses fresques et sculptures ont représenté ces marches funèbres rythmées par les pleureuses.
Dans la Rome Antique : En tête du cortège
Dans la Rome Antique, on faisait également appel à des pleureuses pour qu’elles rythment le cortège funèbre.
Placées en tête de ce dernier, elles avaient pour objectif d’améliorer l’aspect des funérailles en récitant des lamentations. Dans L’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, Louis de Jaucourt décrit cet usage de pleureuses dans la Rome Antique. « Les Romains pour s’épargner la peine d’offrir une affliction extérieure dans les funérailles de leurs parents et de leurs amis, ou pour augmenter l’aspect de leur deuil, établirent l’usage d’un chœur de pleureuses, qu’ils plaçoient à la tête du convoi, et qui par des chants lugubres, et par des larmes affectés, tâchoient d’émouvoir le public en faveur du mort que l’on conduisoit au bûcher. Elles avoient à leur tête une femme qui régloit le ton sur lequel elles devoient pleurer […] » est-il écrit à la définition de « Pleureuses » dans la première édition de l’Encyclopédie en 1751.
Le Moyen-Âge : Les pleureuses anéanties par l’Eglise Catholique
Durant l’époque du Moyen-Âge, c’est surtout dans les pays anglo-saxons que les pleureuses sont engagées. En effet, la montée du Christianisme et la pression de l’Eglise Catholique ont rendu l’exercice des pleureuses beaucoup plus rare.
Les pleureuses : un métier encore d’actualité
Les pleureuses en France : Très répandues avant le XIXème siècle
En France, le métier de pleureuse a quelque peu disparu depuis les années 1960 comme le souligne Jean-Luc Laffont dans son ouvrage « Les pleureuses et crieuses d’enterrements dans la France méridionale ».
Toutefois, avant le XIXème siècle, la présence de pleureuses lors de funérailles était très fréquente. « La coutume d’avoir des personnes vêtues de deuil et payées pour pleurer aux funérailles, semble fort ancienne. Cet usage paraît avoir été plus généralement répandu en France, où il se conserve encore de nos jours, et d’où il s’était propagé dans le nord de l’Italie, ainsi que j’en ait été convaincu par plusieurs monuments » a écrit Camille Bonnard dans « Costumes des XIIIème, XIVème et XVème siècles ».
En Grande-Bretagne, on paye des « figurants endeuillés »
Il faut très certainement traverser la Manche et se rendre au Royaume-Uni pour remarquer que l’appel à des pleureuses est une chose très demandée encore de nos jours.
En Grande-Bretagne, une société s’est même fondée en proposant un type de services de pleureuses. Baptisée Rent-a-Mourner (comprenez, « Louez une pleureuse »), cette société propose aux familles endeuillées de payer les services de plusieurs professionnels qui s’inviteront à des obsèques. Ces « figurants endeuillés » se détachent du rôle traditionnel des pleureuses dans le sens où les familles font appel à leurs services plutôt lorsque peu de personnes risquent d’être aux obsèques.
Ils se doivent tout de même de donner l’impression d’avoir connu intimement le défunt en ayant reçu des informations détaillées sur sa vie.
En Chine et à Taïwan, les pleureuses sont fortement demandées
Mais c’est certainement à l’autre bout du monde, dans l’extrême Orient, que la tradition des pleureuses se perpétue encore de nos jours. En effet, en Chine et à Taïwan, des femmes sont encore engagées par les familles endeuillées pour rendre « vos obsèques inoubliables » comme a titré L’Express dans un article paru en 2011.
On y suit alors la vie d’une pleureuse Chinoise nommée Hu Xianglian. Recrutée par une famille endeuillée, on découvre sa profession durant une cérémonie d’obsèques. Après avoir feint une profonde tristesse, récité un discours à la mémoire du défunt, la pleureuse et sa bande de musiciens vont se donner en spectacle et même offrir un spectacle de danse. N’y voyez-là aucune marque de non-respect envers le défunt car, dans les traditions chinoise et taïwanaise, la joie fait également partie du cérémonial funéraire. « Comme l’adieu au mort est un moment très important, il faut que la cérémonie soit animée et spectaculaire. Sinon les enfants seront mal vus par le village. […] Si les descendants ne pleurent pas assez fort, cela va être considéré par les gens du voisinage comme un manquement à la piété filiale. […] Il faut exprimer la douleur à la place de la famille. C’est un métier très éprouvant » explique la pleureuse professionnelle dans les lignes de l’article de L’Express.
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